Son vécu, bien qu'intéressant, ne rentre pas dans la catégorie des "drames familiaux forgeant un caractère atypique chez l'enfant". Issu de l'union de deux magiciens, Poe est né dans un foyer aimant et chaleureux en Louisiane, dans une maison toute simple qu'il ne quittera pas avant la fin de ses 22 ans. Rien de bien particulier chez ses parents, si ce n'est leur mode de vie « alternatif » (traduisez hippies végétariens et école à la maison), leur passion pour la littérature romantique (d'où pensez-vous qu'il sort son prénom ?) et un prétendu lien de parenté avec Marie Laveau, grande prêtresse Vaudou.

En grandissant, sans réel contact avec le monde extérieur, si ce n'est les gens de la communauté à laquelle appartenait ses géniteurs, Poe s'est très vite découvert une passion pour les emmerdes, un talent inné même. Chaque idée qui germait de sa petite tête blonde se terminait régulièrement en punitions et en sermons interminables qu'il acceptait sans broncher, bien conscient des limites qu'il aimait tant franchir. Son père, d'une douceur et d'un calme légendaire, se contentait de maugréer entre ses lèvres, un sourire en coin qu'il cachait bien vite lorsque sa femme lui jetait un sale regard. Cette dernière semblait, au premier abord, plus ferme. Elle gérait une minuscule pharmacie dans le village, et n'était donc pas présente pour témoigner de la moitié des conneries de son enfant. C'est papa Laveau qui s'occupait de la maison, de Poe et d'une carrière d'écrivain qui ne décollait pas vraiment mais qui aidait à arrondir les fins de mois.

Étudiant depuis le confort de son salon, Poe ne se mêlait que rarement aux enfants de son âge, si ce n'est pour leur jouer un mauvais tour dont lui seul semblait en apprécier la subtilité. Aussi, il passait son temps à traîner, seul, ce qui laissait le temps à son imagination débordante pour concocter d'autres blagues « hilarantes ». C'est dans un de ces moments intenses de réflexion et de méditation qu'il tomba nez-à-nez avec son pouvoir ou, du moins, le réceptacle de ses dons.

Les bayous de Louisiane sont peu dangereux pour un explorateur avertit, et Poe avait tout du Magellan lorsqu'il parcourait les rivages de ces étranges étendues d'eau de son pas allègre. Il veillait bien à ne pas trop s'approcher du bord, par peur des crocodiles qui rôdaient parfois dans les fonds obscurs. D'ailleurs, il venait d'en apercevoir un à la surface, sauf que celui-ci portait des vêtements.
En plissant les yeux, il pouvait même discerner un visage bouffi par la décomposition, et il comprit très vite qu'il avait devant lui, en fait, le cadavre d'un homme à l’embonpoint marqué.
Loin d'être dégoûté par sa trouvaille, Poe en devint même fasciné, cherchant à rapprocher l'imposant corps du sentier sur lequel il se tenait au moyen d'une longue branche. La manœuvre s'avérait totalement impossible mais le gamin n'en démordait pas, jurant et pestant entre ses boucles blondes jusqu'à qu'il perde finalement patience, hurlant de frustration un tonitruant « MAIS TU VAS FINIR PAR VENIR BORDEL ?».

Ce que Poe n'avait pas prévu, c'est que le cadavre avait manifestement compris à qui il avait affaire, et qu'il activa finalement sa grande carcasse pour rejoindre l'enfant, le dominant de toute sa puante stature. Le petit être s'essuya d'ailleurs le nez, surpris d'y trouver quelques gouttes de sang.

Ce jour-là, les parents Laveau eurent l'heureuse surprise de retrouver leur fils, endormi, allongé, la tête posée sur les genoux trempés d'un cadavre bel et bien mort, le tout sur le nouveau (et très cher) canapé qui décorait leur salon. L'enfant s'était fait un nouvel ami, qu'il refusait d'ailleurs de quitter, et ce malgré les intenses négociations qui suivirent les hurlements de panique du père Laveau, et le regard meurtrier de la mère. En ce jour de grâce, Poe finit par céder, renvoyant son compagnon au fond des marais où il se trouvait auparavant.
Au fil des années, il n'était pas rare de tomber sur une dépouille animale dans le lit du gamin, ce dernier la caressant comme si elle était vivante, au grand dégoût de ses parents qui brûlèrent plus d'un drap durant ce long laps de temps. Lorsque Poe finit par ramener un ours noir à moitié décomposé, l'on décida de lui imposer de nouvelles limites à ses dons. Limites qu'il testa avec panache, comme à son habitude.
Ce n'est que lorsqu'il dépassa sa majorité (et de loin) qu'il consentit enfin à rejoindre l'école Leoska et à prendre son envol, loin du nid familial, intégrant la première année des études supérieures dans l'espoir d'y trouver une vocation particulière qui mettrait à profit son pouvoir et son amour pour le Chaos.