Tout d'abord, sachez que lorsque vos parents vous ont gracieusement nommée : Éris Gwaëndalwyre WENEST, ils vous ont acheté un ticket sans correspondance vers l'enfer. Pourquoi sans correspondance ? Parce qu'on ne saute pas d'un train en marche voyons !
Vous trouvez que ça fait pompeux ? Ce n'est pas qu'une impression c'est malheureusement le but recherché. Alors, je préfère être claire avec vous, avant que je ne commence : contentez-vous de m'appeler Éris. Je parle fort, mais je suis plutôt sympa vous verrez ! En tout cas j'essaie
A présent, installez-vous confortablement je vous prie. Je suis une vraie pipelette donc ça risque de durer un petit moment !

Pour commencer, j'aurais plutôt tendance à dire que j'ai eu une enfance heureuse. Je suis issue d'une famille française de classe moyenne. Traditionnellement composée d'une mère, d'un père et d'une fille unique, moi !
Je n'ai jamais eue de réelle frustration. Ma mère adorait pâtisser quand elle avait le temps, alors il y avait presque toujours une petite boîte en métal dans la cuisine, avec deux ou trois sablés que je pouvais picorer à presque tous les moment de la journée. Je n'étais pas non plus particulièrement gâtée de jouets mais je n'en étais pas non plus privée. J'avais quasiment tout ce que je pouvais demander sur ma lettre au Père Noël.
A l'école, rien de notable non plus, je n'étais ni la meilleure ni la pire. Mon père m'aidait à faire mes devoirs tous les soirs. Il était très à cheval sur mes études et me bassinait que c'était le seul moyen de m'en sortir dans ce monde. Nous étions proches, j'étais sa petite princesse !
Je garde des souvenirs simples et heureux de mes douze premières années aux côtés de ma famille.

Et puis lors de ma treizième année, beaucoup de choses ont changées. Pour commencer l'adolescence m'a frappée comme la foudre. De la petite fille joyeuse et enjouée, il ne me restait plus rien. Je passais mon temps à râler pour un oui ou pour un non - ce qui n'a pas beaucoup changé- j'étais souvent en colère. Je pleurais sans raison. J'étais euphorique sans raison !
Il était devenu très difficile pour moi de contenir ce flot de sentiment qui ne cessait d'affluer en moi, sans que je ne comprenne pourquoi une telle chose arrivait. Je me noyais. Mes parents ne comprenaient pas -moi non plus d'ailleurs- le changement était si brutal.

Ma mère à rapidement contacté notre médecin qui nous a redirigées vers des psychologues puis vers des psychiatres.
Je passais par différentes "phases" qui n'avaient ni ordre précis, ni durée déterminée. Mes parents étaient désemparés, ils se disputaient de plus en plus. Mon père voulait me garder à ses côtés mais ma mère voulait me confier à des professionnels.
J'ai toujours été sensible aux sentiments des autres, à ce qu'ils pouvaient dégager. Toute cette animosité n'a pas arrangé mes affaires. Je suis entrée dans une phase dépressive particulièrement difficile. Voir mes parents se déchirer comme ça, c'était très dur pour moi.
J'ai finalement intégré un hôpital psychiatrique dans lequel je n'avais que peu de contact avec mes parents.

Je n'ai compris qu'une fois adulte, la raison de toutes ces angoisses qui me submergeaient. Je n'ai pu le comprendre qu'une fois que j'ai eu conscience de mes pouvoir... J'ai longtemps ignoré que mon père était un mage. Ma mère me l'a avouée, juste avant que je ne quitte le domicile familial.
Et là j'ai pu comprendre que s'il avait si soudainement disparu de ma vie à la fin de ma treizième année, c'était sans doute parce qu'elle l'avait dénoncé. Les angoisses, la tristesse et la douleur, c'étaient sans aucun doute les sentiments que ma mère vivait au quotidien, qui n'ont fait que déteindre sur moi.
Je n'ai jamais eu aucune preuve pouvant étayer cette théorie cependant, mais la réponse m'avait parue aussi claire que de l'eau de roche. Et ça expliquait tellement de choses.

J'ai choisi de ne pas en vouloir à ma mère, car elle est à présent le seul membre de ma famille.
Mais je me suis engagée à le chercher un jour. A devenir plus forte et à venir en aide à toutes ces personnes qui souffrent. Mages ou non, nous sommes tous des Hommes et nous essayons tous d'atteindre le bonheur. Alors pourquoi cette discrimination ? Pourquoi ces sacrifices sont-ils nécessaires ? Je ne le comprendrai jamais, car c'est injuste, et qu'une telle situation ne devrait pas avoir lieu d'être.

Mon père à donc disparu de ma vie à l'aube de mes quatorze ans. Ce qui n'a fait que renforcer mes difficultés sentimentales, car en plus du reste, je me sentais à présent abandonnée. Je me suis longtemps demandée si c'était parce que je n'étais pas assez bien pour lui. Si c'est parce qu'il aurait préféré un petit garçon. Si c'est parce que je l'avais déçu en interrompant l'école à cause de ma "maladie".
Quoiqu'il en soit, j'ai dû apprendre à vivre sans lui. Ça n'a pas été facile, aujourd'hui encore,je souffre de son absence, mais je sais mieux faire face à mes sentiments à présent, alors je le supporte.

Je suis restée au total 5 ans en hôpital psychiatrique, jusqu'à mes 18 ans. Pendant 5 ans, on m'a contrainte à prendre des médicaments dans le but de "m'aider" à juguler mes sentiments. Sentiments qu'ils se sont contentés d'endormir.
Cette période de ma vie est extrêmement floue pour moi. Quand j'essaie de m'en souvenir, c'est comme si j'avais la tête à l'envers, dans un aquarium. Les sons, les images, tout est déformé. C'est comme si je tentais de me remémorer un rêve.
A chaque fois que ma mère venait me voir, elle avait toujours cette mine effarée qu'elle s'empressait de faire disparaître.
Suis-je vraiment aussi pitoyable ?
Alors j'avais pris l'habitude de jeter les petites pilules qu'on me donnait dans les toilettes ou dans le lavabo. C'est comme si je sortais ma tête de l'eau, juste l'espace d'une journée ou d'un weekend lorsque je pouvais rentrer chez moi.


Le jour de mes 18 ans, les psychiatres m'ont annoncé leur diagnostique. Bipolaire. Je me suis presque sentie rassurée.
Ce n'est que ça ? Un traitement à vie et tout ira bien... A vie ? Une vie comme ça ? Il n'y a vraiment pas d'autre moyen ?
J'ai revu ma mère ce jour là. Pour fêter mon anniversaire et ma sortie de l'hôpital, elle m'a invité à faire un tour en ville.

Là dans cette vitrine, j'ai vu ces lunettes au mercure en forme de cœur, et je n'ai pas su résister. Ma mère me les a offerte, et ce jour là, tout a vraiment changé. Je m'en suis tout de suite rendue compte. Mes sentiments ne m'ont plus parus incontrôlables lorsque je portais ces lunettes.

En quelques mois, j'ai compris que je n'étais pas malade, j'étais juste différente. Tout le monde avait entendu parler des mages, des usines, des dangers, de la discrimination. A partir de là, le lien s'est fait tout seul dans mon esprit.
Et j'ai eu peur. Alors j'ai décidé de partir, de quitter le domicile familial. J'avais peur d'impliquer ma mère, peur de perdre le contrôle, peur d'être découverte.

Je suis partie à la recherche de cette école, celle dans laquelle je pourrais apprendre à me contrôler. L'endroit dans lequel je pourrais peut-être enfin apprendre à vivre mes sentiments, non plus a les subir, qui sait ?